La promesse de la lande

Texte publié sur Twitter le 29 avril 2016, en 42 twittes pour les 42 ans de la chanteuse Anggun Cipta, inspiré de sa chanson La promesse et de son album Toujours un ailleurs

Son vieux pull déformé, s'allongeant des mois de contacts sensuels d'avec son corps, le rassurait, rétrécissant en enfance. Ce vieux pull marron était devenu sa compagne de solitude. Il l'aurait préféré crème comme ceux que sa maman lui tricotait. On ne s'imagine pas toujours ce qu'un simple pull peut recéler de souvenirs, de sensations presque oubliées, de rêves endormis. Un visage lisse aux yeux noirs perçants, émergeant d'un col de laine-chinée peut en rappeler un autre aux yeux de lande verte. Alors, sortant d'une brume écossaise, la bergère rousse et ses moutons écrus avancent au son d'une balade de cornemuse. Son corps de femme formé de monts et de vallées s'arrondit d'un ballon de vie sous la laine rousse comme sa chevelure ondulée. Porteuse de preuve d'amour passé, présent et à venir, elle plisse ses paupières d'une joie contenue à voir ce jeune-homme. La douceur de sa main de laine glisse sur sa barbe douce, sans que leurs peaux chaudes ne se touchent d'amour à partager. De l'autre, s'enlacent leurs doigts se pliant, dans un corps à corps désiré par l'un et par l'autre. Leurs corps se rapprochent. Sa large poitrine noire de laine brute s'écrase sur la rousse rondeur de sa bergère d'amour, ses bras l'enlaçant à présent.

 

Sortant de leur donjon de laine noire et rousse, les visages des amants de la lande, bouche à bouche, échangent un silence d'amour. Au loin, au pied de la falaise de craie, les vagues grondent en dévorant les rochers arrondis et lisses à la blancheur de lait. Autour d'eux, les brebis de laines caressent de leurs lèvres la tendre herbe rase, humide et salée de la brume venue de la mer de ce matin d'avril. Il glisse sous son pull de laine, le long de son corps ouvert à son plaisir, son bras d'amour ferme et chaud de son attente. Elle laisse la brume de la lande verdoyante gagner la lande verte de ses yeux, se perdant dans un ciel de plaisir retrouvé. Lui s'écoule de vagues d'amour en vagues d'amour, n'épuisant que sa source de vie, sans jamais épuiser son envie d'elle. De son cri de guerrier de sa lande arrondie de craie blanche, aux rivières rousses ondulées, il parachève sa victoire d'amour. Alors, protégés de leurs gardes de paix, ils se fondent dans l'herbe vert-tendre, sous leurs couvertures de laine chaude.

 

Corps dans bras, la brume les berce de la mélodieuse ballade de sons de vent et de cordes. Des chants de druides vibrent. Avec les bardes d'amour, ces prêtres resurgis des brumes de l'apparence disparue, implorent Dame Nature de bénir leur union d'âmes. Répondant à l'incantation, la brume s'épaissit en une myriade de gouttelettes de pluie pénétrant leurs cuirasses de laine. Dans ces liens de rivières de douce pluie, s'unissent leurs parfums de corps épris à ceux montant de l'herbe de la lande. Ils se fondent dans l'ombre bleue noircie des nuages venus cacher leur amour à l'indiscrétion des acides commères de village. Envoyés de l'océan, des cormorans de leurs cris assourdissent les oreilles de ces mêmes indiscrètes aux mots d'amour déversés.

 

Autres rivières d'amour, les tu m'as manqué précédent les toi aussi, des habituelles retrouvailles des amants voyageurs. Ainsi en est-il de par le monde, mains dans les mains, yeux dans les yeux, les séparés se retrouvent toujours au même chant. Que ce soit dans une lande, dans une gare, un aéroport ou sur le pas d'une porte, l'amour rompu du voyage grandit du retour. Il y a toujours un ailleurs pour séparer les corps amants du s'aimant pour mieux s'aimer aux retrouvailles sensuelles. C'est face au vent porteur des mots d'amour criés ou murmurés entre les murs de l'esseulement que l'aimé écoute son aimant. Il n'y a de monde parfait que de mondes d'amour. Mon capitaine de mon coeur tu es et nos vies parallèles sans divergences. C'est à quelques pas de nous, à nos enfants, qu'elle est née quelque part et continuera par eux dans la lande la promesse. Est-ce que tu viendras ? S'il suffit d'une séparation pour mieux s'aimer, séparons-nous encore, juste reliés de la brise. A cette question, hier ou demain, mon coeur ne fait aucune différence, vivant un jour à la fois nos jours d'amour ensembles. Chaque jour à t'aimer est un jour en bonus dans ce monde parfait d'amour qui porte ton nom et brille de ta beauté sombre.

 

La nuit approche ses ailes étoilées, pendant qu'elle le couvre de ces mots d'amour, cascade libérée du gel de la séparation. Au milieu de la lande céleste, la lune, pleine de leur amour réuni, veille sur eux et leur enfant caché sous sa toison de laine rousse, protéger par son doux et brun guerrier. Refusant le sommeil qu'acceptent les laineuses brebis, ils réunissent encore leurs corps sous l'augure de l'étoile de Vénus. Dans le village, dorment commères, veillent druides et fées, aux chants mystiques et d'amour des bardes, autour du feu des bois crépitant en échos aux tambours maintenant résonnant de cette assemblée chamanique de la lande celte. Au loin, approchent les soldats menaçants, venant chercher les amants de la lande. Nuit magique en réponse à la promesse qu'ils se sont jadis faite d'avant la guerre, pour leur union de corps, de coeur et d'âmes, laissant à l'horloge de l'éternité le soin d'égrainer leur temps. C'est au matin, que dans la brume se levant de la lande verdoyante, on retrouva un enfant souriant, seul sur deux pulls roux et bruns. Belle histoire contée par ce vieux barbu à l'allure de druide celte, appuyé contre le tronc du chêne de la lande verdoyante, sous le soleil d'Écosse, au son du vent et de l'océan s'unissant à la falaise de craie.

La promesse lande

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