Créer un site internet

Roman dangereux

Elle fut une belle jeune femme. Romancière de son état selon elle, elle était en panne d'inspiration. Pourtant elle rêvait d'écrire le plus grand roman de son époque, marquer le temps de sa plume. Dans sa province lointaine, elle s'ennuyait. Jamais rien ne s'y passé dépassant la rubrique Faits divers du journal local. Sa beauté avait toujours attiré les hommes, mais aussi quelques femmes amatrices de beautés féminines. Son âme aventureuse l'avait poussée jusque dans leurs bras, et leurs draps quand on lui faisait l'honneur d'une chambre. Amants pressés, ils la prenaient au débotté, sans amour, ni passion, juste pour la satisfaction d'un besoin égoïste. Les femmes, elles étaient plus dépensières de temps et de caresses. Instruites des secrets désirs féminins, c'étaient elles qui lui avaient fait découvrir les jardins secrets de son corps que sa jeune pudeur n'osait imaginer.

 

Des hommes, c'est des plus âgés qu'elle avait pris le plus de plaisir. Expérimentés et plus patients que la fougueuse jeunesse, ils savaient la courtiser avant de la posséder en un lieu fermé aux regards indiscrets. Il faut dire que la différence d'âge entre ces amants-instructeurs et elle pouvait prêter à commérage de rombières. Si elle osait braver la barrière de l'âge, c'est qu'enfant un autre en fit de même sans se soucier des bonnes mœurs, allant même au-delà de l'indécence. Malheureusement cela est bien plus courant qu'on le dit et refuse de le voir. Certains jeunes adolescents apeurés de leur toute nouvelle virilité se frottent aussi parfois à plus petite qu'eux. Mais ils en ignorent l'ignominie quand l'adulte irresponsable connaît la dévaleur de ses actes. Ce n'est que plus tard qu'ils prendront conscience de leurs actes qu'ils croyaient innocents et en porteront jusqu'à leur mort la croix. Ainsi nait en certaines femmes ou en certains hommes une fracture narcissique dangereuse pour leur futur.

 

De ses corps à corps, elle n'en éprouvait aucune honte, du moins pas encore. Elle n'en gardait que souvenirs de plaisirs par une nature sensuelle qui lui fut décernée dans son berceau. Est-ce une fée maléfique qui se pencha sur elle ou une qui la prédestinait à si haute réalisation qu'elle lui assigna un chemin mêlé de plaisirs et de douleurs pour élever son âme au-delà de ce que les gens ordinaires peuvent aller ? Pour cela, elle fut dotée d'une force de caractère hors du commun, sans quoi elle n'aurait pu survivre bien longtemps à l'infamie qui l'attendait de la perversité humaine que cultivent des âmes bien troubles. Instruite de ses amantes, elle entreprenait d'instruire ses jeunes amants et parfois même les plus âgés. Ce sont eux, vétérans d'un sexe expérimenté mais quelque peu banal, qui ouverts par elle aux fantasmes, poussèrent les premiers les portes de fer des corps à corps douloureux.

 

A son grand étonnement, à la douleur et aux premières humiliations reçues, son plaisir au lieu de se rétracter s'approfondissait, touchant des parties de son âme jusqu'à lors inexplorées. Un nouveau chemin de plaisirs s'était ouvert à elle. Assise dans le bus ou le train, à une terrasse de café ou dans une salle de classe, regardant badauds, camarades ou professeurs, elle pouvait réchauffer son corps et le faire jouir à volonté de par sa seule pensée, en imaginant des corps à corps interdits aux bonnes mœurs. Son imagination avançant, sa province ne suffisait plus à la satisfaire. C'est ainsi qu'elle décida de monter à sa capitale régionale. Capitale des Gaules, Lyon offrait à une jeune et belle provinciale de nouvelles perspectives de débauches pour réaliser de nouveaux fantasmes. Sa plume ne la faisant pas encore vivre, c'est de petits boulots qu'elle remplissait ses placards.

 

Les cafés et restaurants appréciaient sa beauté qui attirait une clientèle masculine en mal de rêves féminins. Certains de leurs propriétaires l'appréciaient également et lui proposèrent de prolonger son service au-delà de la fermeture. Toujours aventureuse et en recherche de nouvelles sensations charnelles, elle acceptait sans trop se faire prier. Un minimum de résistance suffisait à leur faire croire que c'était leur irrésistible charme qui la faisait craquer et non un égoïste plaisir de femme de plus en plus gourmande. Son expérience et son goût pour les échanges les plus osés commençaient à se savoir sur la place lyonnaise. C'est ainsi que d'un partenaire, on lui proposa de passer à plusieurs, grand fantasme d'homme après celui des femmes multiples. Les plaisirs qu'elle y prit firent que trios et quartettes lui devinrent habituels pour des concerts de chambre érotiques. Forte de ces petits secrets, elle s'enhardit à faire augmenter son salaire habituel.

 

Les limites du raisonnable atteintes, on lui proposa de payer plus spécifiquement les heures supplémentaires qu'elles accepteraient de faire. Au début, elle n'y vit pas de mal, ne voyant que ce qu'elle pourrait faire avec cette manne nouvelle. Un homme plus entreprenant que les autres, l'installa même dans un petit mais confortable appartement où il venait avec des amis jouer de son corps. Puis vint le moment où les amis vinrent sans lui et celui où il lui donna congé de son service de salle pour assurer ses services de chambre avec des hommes plus vraiment de ses amis. Peu après, il lui proposa de se consacrer aux seuls services de chambre, mais elle refusa, voyant la dérive dangereuse qui avançait. Malheureusement pour elle, elle était déjà allée trop loin sur le chemin de ce qu'il faut appeler la prostitution. L'homme ne l'entendit pas de la même oreille et la brutalisa. En punition, il la prêta à un autre homme pour des services collectifs dans des caravanes crasseuses sur les chantiers de la région.

 

Elle n'était plus libre de choisir ses partenaires et ne jouissait plus de ces rapports forcés devenus honteux. Elle tenta de résister et pour calmer sa révolte on l'habitua aux drogues abrutissantes. C'est sa beauté qui la sauva de ces camps de sexe forcé qu'on ne peut décemment plus appeler de l'amour. Un oriental la racheta pour l'incorporer dans ses commandos internationaux roses. Restait que son corps habitué à la drogue le lui en réclamait quotidiennement. Le prix exorbitant de ses besoins quotidiens rendait illusoire toute idée d'un changement de voie. Elle commença à parcourir le monde dans ces commandos mal nommés du plaisir. Livrées à la perversité d'hommes et de femmes aux raffinements exotiques, elle découvrait des profondeurs d'infamie qu'elle n'aurait jamais imaginées, ni voulu jamais connaitre. Dans sa volonté de se sortir de cet enfer qui avait traumatisé son cœur et son corps, tous deux portants les stigmates de jeux sexuels immondes, elle accepta tout pour payer sa liberté promise à venir.

 

La liberté retrouvée n'était plus celle qu'elle avait connue jeune femme. Son corps réclamait toujours sa drogue abrutissante et des plaisirs obcènes devenus eux aussi une drogue. Pourrait-elle un jour s'en sortir ? Devenue autonome, elle pouvait de nouveaux choisir ses partenaires et ses jeux. Elle était revenue en France et c'est dans l'anonymat de la capitale parisienne qu'elle s'était installée. Son passeport aérien et sexuel lui permit de développer sa propre clientèle toujours internationale. Instruite, élégante, elle fut introduit dans des réunions suivies de diners d'affaires et de tête-à-tête persuasifs qu'elle assurait personnellement. Elle avançait en âge et la concurrence de plus jeunes à la beauté plus fraîche commençait à nuire à ses affaires. Alors elle revendit son carnet d'adresse à une jeune pleine de talents qui l'accompagnait parfois avec d'autres pour des commandes multiples. Afin que tout se passe bien, elle assura même elle-même la continuité du service collectif pour certains clients le temps de les habituer à cette relation nouvelle.

 

Le pactole dégagé par la vente de sa concession de services féminins particuliers de grande qualité lui ouvrit les portes de ces banquiers qui auparavant louaient ses services. Après avoir été salope, putain puis call-girl, elle était devenue femme respectable par la grâce d'un argent si durement gagné. Il lui était devenu risible de voir ces hommes et femmes qui, à des diners ou concerts, la présentaient à leur conjoint et amis comme une femme d'affaire internationale, faisant d'elle et de ses mystère une gloire de la connaître. Après la profondeur de la perversité de la belle société, elle découvrait les sommets de son hypocrisie et de son absence totale de dignité morale. Mais est-ce vraiment étonnant de gens qui parlent par millions et traitent des affaire par milliards ? Où était ce jeune-homme rougissant de sa jeunesse lui demandant un baiser qu'il n'osait lui voler ? L'hypocrisie n'étant pas dans sa nature, le soir c'est un maquillage mêlé de larmes qu'elle essuyait devant son miroir, également miroir du miroir de son âme.

 

Il lui semble être de nouveau humiliée par ces pervers de haut vol qui lui imposent le silence de leurs sourires hypocrites dans une société à la dignité de carton-pâte. Las de cette vie parisienne aussi salissante que sa vie d'avant, c'est en banlieue qu'elle se réfugie en premier avant de se cacher à l'occasion dans un petit village balnéaire inconnu des riches hypocrites. Toujours voyageuse, elle reprend trains et avions, cette fois-ci pour son seul plaisir. Sa mappemonde a un trou béant que ses sales-souvenirs ont creusé et où elle ne va jamais. L'argent n'apporte pas non plus toute la liberté qu'elle souhaiterait. Son addiction à la drogue l'oblige à une valise secrète et à des épiceries locales stupéfiantes. Un jour où le destin lui a donné rendez-vous, la police découvre son triste secret de femme soumise à la maîtresse-drogue. L'argent et ses relations la sauvent des griffes de la justice humaine et facilement aveugle des crimes et délits de la riche société. Sa décision est prise elle doit arrêter, se libérer de çà aussi.

 

Terrible et difficile nouveau chemin de croix que celui de la junky en recherche de repentance. Comme le Christ, elle chuta plus d'une fois sur ce chemin de calvaire. Le Christ, vieux souvenir d'enfance qu'elle ne fréquentait plus guère. Ses visites dans les églises n'étaient pas pour prier mais pour toujours poser ces lancinantes questions : Pourquoi ? Seigneur pourquoi moi ? Les statues de pierre ou de bois ne lui répondaient jamais. Alors elle avait fini par croire que ce dieu dont lui avait parlé ce prêtre si affectueux dans son enfance n'existait pas. Comment un dieu d'amour peut-il permettre çà ? Comment peut-il autoriser toutes ces horreurs qu'elle a subit et celles qu'elle voit chaque jour à la télévision et lit dans les journaux ? Se confesser qu'elle idée ! Pourquoi serait-ce elle qui doive se confesser ! Elle n'a commis aucun péché ! La victime c'est elle ! Les pécheurs ce sont eux, les pervers et perverses !

 

Pourtant elle se sentait honteuse et fuyait le monde. Ses photos étaient des paysages vides, comme le vide qui l'habitait à présent, ce vide où le mot amour clignotait comme un appel au secours. Mais qu'elle homme pourrait aimer une femme comme elle ? Un autre pervers satisfait de partager le lit de plus pervers que lui à ses yeux ! Jamais un homme rêvant de femmes à la belle âme ne pourrait s'intéresser à elle, pensait-elle. Jamais, elle ne partagerait sa vie avec un homme ignorant de ses souvenirs, l'amour ne peut-être sans la confiance et la confiance interdit le mensonge, même par omission. Aujourd'hui c'est sur l'Internet qu'elle fait de nouveaux voyages. L'anonymat des réseaux sociaux où on peut cacher son visage et inventer sa vie lui va bien. Elle y a même rencontré un homme bien.

 

Ancien cadre au chômage, divorcé avec grands enfants, catholique pratiquant, il est presque du même âge qu'elle. Il est bien loin du profil des hommes qu'elle rencontrait et excitait sur les sites dédiés au cybersexe qu'elle fréquentait. Mais aujourd'hui tout cela est loin, sauf sans sa tête. C'est pourquoi elle sait qu'elle ne le rencontrera jamais dans la vraie vie, gardant une relation virtuelle, préférant le perdre que tout lui avouer. Au moins il gardera une image propre d'elle. Lui semble ne pas l'entendre de cette oreille et semble insister pour la voir, la rencontrer. Elle multiplie les fausses colères et indignations, mais rien n'y fait, il s'accroche à elle. Comme elle l'aimerait si elle était libre de ses souvenirs. Elle irait le rejoindre pour remplir enfin cet espace vide en elle marqué des mots amour vrai. Si seulement il pouvait deviner seul le poids de son passé qui écrase son âme. L'aimerait-il encore lui le disciple d'un Jésus qui prit la prostitué Marie-Magdalena parmi ses proches et même comme compagne disent certains ? Alors elle pourrait croire que Dieu existe et qu'il est vraiment amour.

Call girl

Ajouter un commentaire

Anti-spam
 
×