Le Noël de Mylène

Résurrection christique de Mylène Farmer dans City of love

Juste avant Noël Mylène Farmer nous a gratifiés d'un troisième clip vidéo, City of love, tiré de son dernier album Interstellaires. Dans ce clip, Mylène Farmer nous entraine dans un univers fantastique où elle apparait par une nuit d'orage sous l'aspect d'un être étrange mi-humain, mi-chauve-souris. Cet être étrange n'a rien d'heureux dans sont aspect. Il, ou plutôt elle est d'un blanc lunaire aux ailes déchirées recouverte de traces rouge-sang, dont celles autour des yeux font penser à des larmes. Nous la découvrons à terre, sur l'herbe du parc d'un manoir illuminé des éclairs de l'orage. Dans un cri de silence elle tourne son visage vers le ciel zébré par la foudre. Oui, c'est bien une Mylène Farmer foudroyée par la colère du ciel que nous avons là.

 

La voix-off est celle d'un météorologue commentant l'orage aux harmonies électriques qui a brisé les ailes d'oiseaux qui tombent du ciel en nombre. Le sort de Mylène Farmer n'est pas très différent d'eux, si ce n'est qu'elle a survécue à sa chute comme une seconde chance qui lui est donnée. Quelle seconde chance ? La seconde chance du repenti. Ce clip doit être vu comme la fin d'une trilogie qui a commencé avec Stolen car. Dans Stolen car, nous avons un homme, sous les traits de Sting, qui est prêt à voler une voiture de luxe. Pas pour la revendre ou la saccager, non, juste pour revivre quelques instants sa vie d'avant.

 

 

Sa vie d'avant, les images et la chanson nous la racontent. C'est celle d'un cadre dirigeant. Un homme de pouvoir, habitué des hôtels et des rencontres nocturnes aussi. Un homme à la belle maîtresse, sous les traits de Mylène Farmer, à qui il donne rendez-vous sous les ponts de Paris, capitale de la France, ville et pays de plaisirs, une de ces Babylone modernes. Le long du clip, nous sommes emmenés dans les souvenirs de cet homme déchu au gré des découvertes qu'il fait dans cette voiture de luxe comme si elle fut la sienne. Nous voyons le logo de la marque de la voiture qu'il possédait, un trident. Le trident est le symbole de pouvoir de Poséidon-Neptune, le dieu des eaux, découvertes ou souterraines, et des tremblements de terre dans l'Antiquité. Pour d'autres, il est aussi le symbole de Satan. Mauvaise translation car Satan ou le Diable doit avoir pour symbole la fourche de Hadès et pas le trident.

 

A quel symbole nous renvoie le trident de Stolen car ? Difficile de le dire avec certitude. Peut-être un peu des deux ! Toutefois, l'analyse contextuelle nous fait remarquer que la scène se passe aux bords du fleuve parisien, la Seine. C'est donc le trident de Poséidon-Neptune qui a notre préférence. Alors Stolen car nous prépare à un tremblement de terre qui va voir la chute de cet homme au fait d'une gloire illusoire. Poséidon-Neptune et l'eau nous renvoie à une autre divinité, Aphrodite-Vénus. Déesse de l'amour charnel et de ses plaisirs, Aphrodite-Vénus est toute indiquée à Stolen car où hommes et maitresses s'unissent dans des corps à corps voluptueux. Aphrodite-Vénus est aussi une déesse capable de retrouver sa virginité en se baignant dans la mer. La mer, dans la langue des oiseaux où les consonances règnent, nous appelle au retour à une autre mer, notre mère accoucheuse d'où nous sommes venus à la vie terrestre. Une nouvelle virginité, hommes comme femmes nous en rêvons souvent. Revenir en arrière pour rejouer notre vie et effacer nos erreurs, éviter nos faux pas.

 

Revivre notre vie pour la vivre mieux, la faire plus belle, à la lumière des leçons apprises de nos erreurs, c'est la promesse de la réincarnation karmique. Cette réincarnation, Mylène Farmer nous y prépare dans son deuxième clip, celui d'Insondables. Dans un précédent billet entièrement consacré à ce clip, j'en offre une lecture alchimique où la mort violente d'une femme est l'occasion d'un voyage dans le monde initiatique des Francs-Maçons et des Alchimistes. L'âme y revient dans une maison de ville désertée et endormie pour passer derrière le miroir. Parallèlement, nous avons l'image d'une Mylène Farmer qui courre en dessins le long des murs de la ville pour revenir dans la rue. Ce clip se termine sur deux corps, féminin et masculin, aux traits effacés qui d'un grenier poussiéreux se fondent dans le plancher pour disparaitre.

 

 

Ce grenier d'Insondables est un ciel et cette disparition est le préambule à une apparition, celle de City of love. Troisième clip, de cette trilogie sorti juste avant Noël, City of Love est l'histoire d'une résurrection plus que d'une réincarnation. Pourquoi, une résurrection ? Parce que nous sommes à Noël. Parce que la résurrection est celle d'un homme qui a souffert, a été humilié, est mort crucifié et est revenu à la vie. Cet homme nous le connaissons tous, il est Jésus, le Christ vivant, le dieu qui s'est fait homme pour racheter les péchés de toutes les femmes et tous les hommes, pour effacer le péché originel d'Adam et d'Ève. Ce péché originel est celui de chaire qui a entrainé l'humanité dans sa chute et l'a bannie de l'Éden, le Paradis Terrestre. Le titre City of Love nous évoque une autre cité, celle de Jérusalem, la Jérusalem céleste en l'espèce qui doit descendre du Ciel dans le livre de l'Apocalypse.

 

Après la mythologie de l'Antiquité gréco-romaine de Stolen car, du monde initiatique et alchimique d'Insondables, c'est dans la spiritualité du christianisme que City of Love nous emmène, un christianisme teinté de mythologie celtique, dans la lande écossaise comme le rite des Francs-maçons. La première image de City of Love est celle d'un oiseau blanc aux ailes déployées dans un nid de branchages défeuillés. Pour les initiés, elle parle immédiatement. Elle est le symbole habituel du Phénix alchimique, cet oiseau mythologique qui renait de ses cendres, que l'on voit aussi dans certaines églises. Après l'herbe d'où elle donne presque l'air de sortir, comme d'une tombe, éveillée par l'énergie de l'éclair comme la créature de Frankenstein, c'est dans un manoir que Mylène Farmer entre. Ce manoir où Mylène Farmer entre n'est pas un temple de l'amour charnel, il est le temple de l'enseignement d'un autre amour, plus spirituel, Love avec un L majuscule. L'être qu'interprète Mylène Farmer n'est pas un extra-terrestre, il est un ange déchu, un démon, un démon foudroyé par le Feu céleste de l'Archange de feu, Michaël, Prince de la Face, général des légions célestes. Ainsi entend-on raisonner entre deux éclairs de feu la question posée à Lucifer, Archange de lumière, porteur de l'émeraude dans laquelle fut taillée le Graal qui servit à recueillir le sang du Christ : Qui peut se comparer à Dieu ? Question posée à l'homme de Stolen car, avant sa chute.

 

Dans ce manoir vide d'habitants, nous y voyons des flacons vides et poussiéreux, des statuettes de marbres et des livres aux gravures d'un autre âge aux couples enlacés. Les flacons nous renvoient vers le monde alchimique d'Insondables, les statuettes et gravures au monde charnel de Stolen car. Mylène y découvre l'image de la femme, l'Ève charnelle. Elle tourne les pages des ouvrages parlant d'amours charnels, laisse aller et venir ses doigts sur les méridiens d'acuponcture du dos d'un homme dessiné, puis referme l'ouvrage appelé City of Love quand, dans la lumière d'un éclair, elle voit une silhouette devant une fenêtre derrière un voile qu'elle soulève pour un dévoilement, apocalypse en grec. Dans cet environnement de poussière et de toiles d'araignées grises éclairées de la pâle lumière lunaire, la silhouette est celle d'un mannequin en bois ciré et lustré. Ce mannequin est bien connu des artistes du crayon et du pinceau. Il est de ceux qu'ils utilisent pour dessiner ces hommes et femmes dont ils vont animer leurs œuvres à venir. Celui de City of Love est de grandeur nature. Par lui c'est à une vie nouvelle que Mylène Farmer nous appelle. Bois coloré ciré, symbole de vie, au milieu de la poussière blanche, il n'est pas totalement éloigné de l'Alchimie. Car c'est au milieu d'un monde blanc comme l'œuvre du même nom du Grand Œuvre alchimique que ce mannequin d'un bois roux, comme la troisième étape de l'œuvre au rouge, se trouve. Le bois est aussi celui de la Croix sur laquelle fut crucifié Jésus et du chêne des mythes celtiques.

 

Juste avant Noël, en cette fin de l'Avent, avec ce mannequin en bois à la main blessée, c'est bien l'image du Christ que nous avons dans City of Love. Ce n'est pas un Christ crucifié, c'est un Christ de la résurrection, prêt à s'animer, à prendre vie dans un dessin nouveau, un tableau nouveau. L'idée de tableau nous renvoie à ceux d'Insondables, tous ces tableaux évidés de leurs œuvres. Dans City of Love, c'est au contraire à l'esquisse de l'œuvre à venir qu'on nous prépare. Cette œuvre n'est pas celle d'un apprenti mais celle d'un Maître achevé par l'initiation, les épreuves et la pénitence. S'endormant dans les bras du mannequin, c'est dans les bras du Christ que s'endort notre démon foudroyé et repenti, sous les traits d'une Mylène Farmer nouvelle, dans un amour nouveau, non charnel, un amour spirituel, en vue d'un jour nouveau, que son prochain clip à venir ne manquera sûrement pas de nous décrire.

 

City of love 001

Ajouter un commentaire

Anti-spam