Générations virus 

 

Nous allons vous soigner ! Vous allez guérir ! La science avance ! De nouveaux médicaments arrivent ! De nouveaux vaccins sont prêts ! Les chercheurs progressent ! Ainsi se multipliaient les messages promotionnels d'espoir. Ils étaient accompagnés de toujours cette même suite, nous avons besoin d'argent. Que ça paraissait beau de leur donner l'argent des uns et des autres comme l'argent public au lieu de le consacrer à de la consommation superflue d'inutile et de mal-bouffe, au lieu d'enrichir l'industrie de l'armement comme l'industrie agro-alimentaire maltraitant des animaux innocents. Certaines voix s'élevaient malgré tout pour dire que cette industrie de la santé n'avait rien de monétairement désintéressé. Ces voix rebelles se voulaient être notre mauvaise conscience, se posant en garde-fous. Mais elles prêchaient dans un désert moral brûlé par le vent des lobbies. Ce vent soufflait dans les couloirs du pouvoir et sur ses hauts sommets. Dans notre pays, où des champions du monde de la santé s'étaient développés ou avaient mis pied de l'étranger, les spectres de la finance et de l'emploi couraient journaux et médias asservis à l'argent plus qu'à la vérité pour que la peur empêche de sages décisions réfléchies. 

 

La peur, cette familière de l'humanité, de chaque homme et femme depuis l'enfance, est si utile à qui veut imposer sa loi, qu'elle soit rassurante ou de terreur. Comment rassurer qui n'a pas peur ? Comment appeler au crime de légitime défense qui n'a pas peur de perdre ses biens, ses proches, sa vie ? Qu'elle est utile la peur qui nous frappe en plein cœur ou y gangrène le vrai courage. Rappelez-vous ces temps d'insouciance quand la guerre était un lointain souvenir de nos parents comme les privations qui la suivirent. La paix, l'amour, les fleurs poussaient partout dans ces pays où les cimetières s'étaient remplis de courageux combattants de la Liberté. Dans les colonies, d'où étaient venus aussi les libérateurs, indépendance, sœur de Liberté, gagnait les esprits et les cœurs. Elle gagnait parfois du bout du fusil pendant que des vies périssaient du côté de la crosse. La croissance nourrit du progrès scientifique et technologique transformait partout le monde fournissant emploi, toit et nourriture à tous et toutes ou presque. On avait l'impression que rien ne pouvait arrêter ce bonheur en marche forcée et l'humanité croissait en nombre dans l'insouciance. Même la menace nucléaire apparaissait au plus grand nombre comme un épouvantail à moineaux. Je me souviens, nous dansions des nuits entières ivres de joie et d'insouciance. 

 

C'était avant, avant ce virus, ce premier nouveau virus qui allait semer la mort et la peur. 

Ce virus nommé SIDA a frappé en premier ceux et celles pour qui le mot Liberté avait tant d'importance pour en être privé depuis si longtemps, ici et ailleurs, devant encore affronter ceux et celles voulant les couvrir de honte pour être homosexuels. Ils voulaient croire avoir droit eux aussi à la Liberté de vivre comme ils l'entendent, envers et contre tous, mettant tous leurs espoirs dans le progrès de la société des mœurs plus qu'en celui de la science. Ils rêvaient. Avaient-ils tort de rêver pour être ainsi frapper si vite et si fort par ce virus ? Pour tous ceux et toutes celles qui les haïssaient, c'était là la preuve de la bestialité de leur existence. Mais comme il est dit dans Éléphant Man, qui est le monstre ? Le monstre est ce virus qui ne s'est point soucié des mœurs des bien-pensants supposées supérieures pour les atteindre aussi avec les gens ordinaires par la plus belle chose que partagent les hommes et les femmes, l'amour. C'est par le sang de la vie et l'amour que le SIDA parcourt le monde sans s'arrêter, mutant toujours et encore pour échapper à ses poursuivants. La solution ? S'isoler de l'autre en qui la confiance n'est pas, même et surtout pour s'aimer. 

 

Pourquoi Mère Nature nous frappes-tu ainsi ? Que comprenons-nous pas de ce que tu attends de nous ? Est-ce une sanction divine ? Comment un dieu d'amour et de miséricorde pourrait-il ainsi nous punir ? Diable, est-ce toi qui te réjouis de semer ainsi la mort et la peur parmi l'humanité ? Qu'elle loi a-t-elle enfreint cette humanité, notre humanité, mon humanité, pour être ainsi frappée par d'invisibles virus douloureux et meurtriers. De qui sont-ils les fantômes ? Est-ce nous hommes et femmes, jouant aux apprentis-sorciers, qui avons engendré ces monstres ? Sommes-nous des monstres qui s'ignorent ? D'autres virus sont nés depuis, sous les latitudes tropicales et à l'extrême-orient, puis ont prospéré de notre accroissement démographique incontrôlé et de nos transports modernes pour tenter d'envahir le monde. Pas assez contagieux, ils ne sont pas arrivés à insinuer la plus mortelle des maladies humaines, la peur. Apprenants de leurs échecs, les virus ont engendré un meilleur que les précédents, un plus fort, un plus contagieux. Il n'est pas le plus mortel mais quand les contaminés se comptent par dizaines de millions, peut-être même par centaines, les morts se comptent alors par milliers, puis par dizaines de milliers et peut-être plus tard par centaines de milliers. Les adorateurs de la peur rêvent de millions et le crient à qui veut continuer d'avoir peur, d'avoir encore plus peur. Qui vivra verra… 

 

Qui vivra et qui aura survécu verra. Ce jour-là, où on crira il a été vaincu le COVID-19, ils viendront crier victoire ceux et celles qui nous ont privé de notre Liberté, qui nous ont enfermé à domicile pour faire croire qu'ils étaient utiles à quelque chose alors que rien ne pouvait l'arrêter. Ce jour-là, ils oublieront de dire qu'au lieu d'organiser la solidarité entre les hommes et les femmes avec courage, ils les ont séparés interdisant tous contacts rapprochés. Ce jour-là, ils tairont avoir fermé les lieux de solidarité, là où les pauvres viennent chercher de quoi se nourrir dignement, laissant les plus démunis dans leur misère. Ce jour-là, ils viendront en vainqueurs eux qui ont déclaré la guerre à un ennemi ne pouvant être vaincu que par les armes dont Nature nous a dotées. Ce jour-là aura un air d'après guerre et un parfum d'insouciance renaîtra dans l'atmosphère purifiée du virus. Ce jour-là, l'humanité se croira de nouveau invincible et les marchands de peur, vrais vainqueurs, compteront leur richesse agrandie. Ce jour-là, les vendeurs de promesses électorales reviendront, menteurs des leçons retenues, promettre que cela n'arrivera plus jamais. Ce jour-là, qui osera refuser cet argent et ces moyens qui nous ont manqués ? Alors ils se dépêcheront d'encaisser leurs gains ceux et celles qui avaient parié sur la maladie et la mort pour en vivre abusivement, disant qu'elle n'a pas de prix. Ce jour-là ne durera pas et viendra le jour d'après et ceux suivants. Le monde reprendra son quotidien comme avant, ne cherchant pas à comprendre pourquoi tout çà est arrivé. Mais que restera-t-il de notre Liberté confisquée, blessée et brimée par la peur ? Dans ces jours d'après, comment vont grandir nos enfants qui ont vécu ces jours d'avant ? Une génération nouvelle va naître de ce confinement et de sa fin, ce sera une génération virus de plus. Va-t-elle être la dernière génération virus ou un virus encore plus terrible attend-il, tapi dans l'ombre d'une forêt ou d'un laboratoire, son heure, heure d'une nouvelle épidémie de peur ? 

 

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