D'une Saint Valentin à l'autre

Je me souviens de ce jeudi 12 février 1988. Je n’avais pas voulu que notre vie commune commença un vendredi 13, alors il nous attendait là, en bas les clés à la main. Avec son sourire habituel d’homme simplement heureux, mon père nous a tendu sa main, nous remettant les clés d’un bonheur tout neuf. Ce fut le début, quelques jours avant la Saint Valentin. Je n’avais jamais fêté la Saint valentin avant elle. Nulle n’était restée assez longtemps dans mon cœur pour mériter cette fête.

Depuis, les fêtes de la Saint Valentin se sont succédées. Avec elles, se sont succédés les cris de joie, de bonheur mais aussi de colère ou de souffrance. Les plus beaux des cris furent les cris de naissance qui résonnèrent trois fois. A ces cris succédèrent les rires et les pleurs qui font la vie, la vie qui grandit, la vie qui passe, la vie qui se finit. Comme des vieux arbres que la tempête abat, ils se sont couchés eux aussi les anciens, parfois pas si anciens et même parfois des pas encore anciens. La vie est ainsi faite qu’elle n’est pas fête tous les jours et que les années n’ont pas toutes la saveur des sucreries de Noël. Certaines années sont des novembres qui n’en finissent pas, durant lesquelles les corbillards tirés par des chevaux vapeur se succèdent.

Comme pour la Saint Valentin, les fleurs accompagnent tous ces jours de notre vie où évènements petits ou grands, tristes ou joyeux sont l’occasion de les offrir. Ses fleurs préférées sont des chrysanthèmes, jaune de préférence. Pas de celles qui jalonnent nos cimetières, non, de celles qui imitent la marguerite. Cette marguerite qu’on aime effeuiller sans s’en lasser, espérant toujours finir sur à la folie et pour toujours. Malheureusement, la vie tourne comme notre main effeuillant la marguerite et quand il n’y a plus pétale, la comptine finit toujours sur plus du tout. Alors on cherche d’autres fleurs que l’on pourrait effeuiller. Comme on a oublié de remplir les vases au fil des jours et des ans, arrive le moment où tous sont vides.

Alors elle quitte la maison et va chercher dans d’autres jardins d’autres jardiniers pour fleurir sa vie. Une année arrive où rapidement, le soir de la Saint Valentin, on arrête sa voiture derrière les autres pour acheter un bouquet d’un soir. Le geste est là mais le cœur n’y est plus, ni à donner, ni à recevoir. On espère toujours que l’année suivante le vent de l’été aura réchauffé nos cœurs pour les joindre au geste. Mais au fond, on sait bien que la longueur des hivers est devenue telle que l’été n’y suffit plus. C’est juste après qu’arrivera cette Saint Valentin où on regardera les autres descendre de leur voiture et que l’on passera son chemin, allant vaquer à un quotidien que plus un évènement grand ou petit ne rompe d’un bouquet de fleurs.

Dans la maison tous les vases sont vides. Celui si beau en cristal de notre premier Noël, fêlé depuis longtemps, n’accueillait plus que des fleurs séchées, aujourd’hui pleines de poussière. Par quelques verres brisés de fenêtre le vent froid s’immisce dans cette grande maison aux pièces si souvent vides. Témoins muets des cris de séparation, ces fenêtres brisées sont aussi là pour nous rappeler que si aimer c’est unir, la séparation est un brise-glace auquel aucun amour ne résiste. Est-ce pour cela que la Saint Valentin se fête le 14 février, en plein hiver? Pour nous rappeler combien il fait froid quand on est seul et combien il est agréable d’être deux, l’un contre l’autre.

St valentin triste

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