Le rendez-vous du fou

Ce soir, il l'attend. Il sait qu'elle va venir. Depuis plusieurs jours, ils ont prévu ce rendez-vous. Il le sait, il l'a lu. Il a préparé cette soirée dans sa tête. Il ne sait pas s'ils vont diner là ou aller au restaurant. Il n'a pas grand-chose, quelques pizzas, une salade, de la grenadine, des pâtes, de la salade de fruit en boîte, du riz, de la saucisse au couteau. Il pourrait faire un rizotto. Il n'a pas de vin, ni de bière, habituellement, il n'en boit pas. L'épicier du village est ouvert jusqu'à 21h30, il pourra toujours y aller. Puis il y a la pizzeria à emporter d'à côté. Ils vendent aussi du vin. Il regarde l'heure, il a le temps. Le rendez-vous est à 21 heures.

 

Il se prépare. Il commence par donner à manger aux animaux, puis il va prendre sa douche. Il ne s'est pas rasé depuis deux jours, il se rase. Il se lave les dents aussi. Hier, il est allé chez le coiffeur, il le fallait, ce rendez-vous est important, il doit paraître à son mieux. Il remet sa croix et se coiffe. Il a acheté des sous-vêtements neufs. Il détache les chaussettes et les enfilent. Elles sont fines, agréables. Il va choisir une chemisette. Il fait chaud, il met un short. Pour les chaussures, il a peu de choix entre ses baskets usées et celles trouées. Il est prêt, reste plus qu'à ranger la maison. Il passe l'aspirateur dans l'escalier plein de poils des animaux, puis la serpillère. Il range tous les papiers en vrac, le courrier non ouvert. Il sait ce qu'il y a dedans, des factures. Il regarde tout autour de lui, ce n'est pas parfait mais ça ira.

 

Il regarde par la fenêtre, des voitures passent. L'une d'entre elles s'arrête sur le parking du café. Une femme en sort. Elle est grande, le teint mat, de longs cheveux sombres. Elle s'approche du café, parlent aux fumeurs dehors. L'un d'eux montre du doigt dans la direction de sa maison. Elle retourne à sa voiture, prend son sac et entre dans le café. Le temps passe, il s'assoit en attendant en regardant toujours le café. Au bout d'un quart d'heure, elle ressort. Elle met son sac à l'épaule et se dirige vers sa maison. Elle marche doucement avec souplesse. Elle s'approche, passe devant et continue son chemin. Il l'a vue, ce n'est pas elle. Il est déçu. Il quitte la fenêtre et regarde l'heure, il est 21H30. Il allume la télévision.

 

Elle va venir, il en est sûr. Elle l'a dit. Du moins, il le croit. Il l'a lu. Il veut le croire. Il reprend son ordinateur, il relie ses messages. Oui, elle l'a bien dit. Du moins il croit le lire et le relire. Il regarde l'heure, il est 22 heures. L'épicier est fermé. Dehors, la pizzeria est toujours ouverte, des clients attendent sur le trottoir. La nuit tombe. Il allume la lumière et se rassoit sur la banquette. La télévision fonctionne toujours, il la regarde sans la regarder. A côté de lui le chat s'est assis. A ses pieds, le chien dort. Il se retourne et s'allonge. Il ne regarde plus la télévision, il entend juste son bruit. Elle devait venir, elle l'avait dit. Du moins il l'avait cru. Il ferme les yeux, il s'endort.

 

La télévision continue, il ne l'entend plus, il dort. La lumière brule, il dort, elle n'est pas venue. Dans son sommeil, il sourit, il rêve d'elle. La télévision s'éteint automatiquement, la lumière brule. Le jour se lève, le coq chante. Il se réveille. Le vent est entré par la fenêtre ouverte, il a froid, il va donner à manger aux animaux. Il prépare son café, elle n'est pas venue. Il y avait cru comme d'autres fois. Il le sait, par moment il veut y croire mais ce n'est jamais vrai. A chaque fois, les lendemains, il s'en rend compte. Il retrouve ses esprits. Tout à l'heure, il a rendez-vous avec son médecin. Il lui dira que tout va bien, qu'il va mieux. Après tout c'est vrai. Etre amoureux et vouloir y croire, ce n'est pas une maladie. Du moins il veut y croire. La prochaine fois, elle viendra. Du moins il veut y croire, croire qu'il n'est pas fou.

Dormeur 001

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