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Lettre à sa Sainteté le Pape

Lettre à sa Sainteté le Pape François

Chauconin-Neufmontiers, le 15 novembre 2016.

Votre Sainteté,

Si je vous écris ce jour ce n'est pas pour me plaindre ni pour réclamer quoi que ce soit. C'est par le besoin de dire combien la vie d'un homme ou d'une femme ordinaire peut connaître les plus grandes joies et les plus profondes peines. C'est aussi pour dire combien le monde dans lequel nous vivons contient d'espoir au milieu des affres des catastrophes naturelles, de la guerre et de la misère sociale. Il y a quelques jours, en faisant mes courses, j'ai vu une enfant en âge d'aller à l'école, seule sur un parking, proposer des calendriers contre quelques pièces de monnaie. Elle n'avait pas d'accent étranger, était bien habillée et pourtant par ce geste de tendre un calendrier de sa main, c'est notre main qu'elle demandait.

La misère n'a pas toujours l'aspect, que nous présentent les télévisions et les journaux, de saleté et de guenilles. Nous pouvons la croiser chaque jour dans la rue, dans les transports, en allant travailler, faire nos courses ou prier. Préoccupés par nos propres problèmes et soucis, nous ne voyons pas toujours que celui ou celle qui nous sourit cache les siens derrière ce sourire ou juste un regard de tous les jours. Les médias nous attirent à regarder toujours ailleurs vers de grands évènements, de grands discours, le plus souvent de colère ou de haine. Si ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée ou de l'Atlantique a une influence sur notre vie, ce n'est pas notre vie quotidienne pour la plupart d'entre nous.

Dans les informations, on met sur un même plan l'élection d'un Président d'un des plus grands pays de la planète et les dizaines de milliers de vies perdues en mer et sur les chemins de migrations. Parce qu'elle ne se passe pas dans un grand pays occidental, la COP22 attire moins les caméras et les grands de ce monde que la COP21. La disparition de près de 40% des animaux de la planète ne fait que quelques lignes dans les journaux et que quelques instants dans ceux télévisés. Fixés sur nous-mêmes et notre nombril national, toute notre attention va vers nos politiciens et dirigeants qui s'écharpent pour un temps de pouvoir qu'ils gaspillent le plus souvent entre idéologies et expérimentations quand nous attendons d'eux qu'ils nous écoutent et nous entendent.

J'ai appris de la vie que demain est toujours une gageure et qu'un hier rieur ne garantit en rien un aujourd'hui heureux. J'ai appris qu'on pouvait perdre des êtres chers à tout moment, pas toujours vieux, certains dans une jeunesse finissante et d'autres dans la force de l'âge. J'ai appris qu'un homme inconnu, assis paisiblement face à vous, pouvait l'instant d'après se jeter du train. J'ai appris qu'on pouvait risquer d'aller en prison pour avoir aimé une personne. J'ai appris que l'être aimant et aimé durant des dizaines d'années pouvait devenir votre ennemi. J'ai appris qu'on pouvait un jour s'asseoir face aux grands de la finance mondiale pour défendre l'homme et la femme ordinaires et un autre jour aller mendier de quoi nourrir ses enfants auprès d'associations caritatives. J'ai appris que tous ces grands au cœur endurci par leurs ambitions et leur réussite pouvaient aussi être discrètement généreux. J'ai appris que la générosité publiquement affichée vient plus souvent de la tête que du cœur.

J'ai appris bien des choses en cette vie déjà ancienne et en apprends encore plus depuis que mon quotidien n'a plus l'assurance d'un travail régulier. Libre des horaires et d'aller par les chemins, nous rencontrons bien plus l'autre qu'enfermés dans nos usines, ateliers et bureaux. Si chacun pouvait le vivre quelques temps à un moment de son choix, ce serait un enrichissement pour tous. Par vos encycliques et vos discours, Saint Père, vous nous demandez d'aimer et de respecter notre planète la Terre et nous dites que la famille est le creuset de l'amour et du respect de l'autre. Depuis votre arrivée sur le trône de Saint Pierre, vous demandez à l'Église catholique et à ses servants d'agir dans l'humilité et dans plus de pauvreté. Vous menez plusieurs chantiers de réflexions et de repentances sur les erreurs de l'Église et appelez à plus d'ouverture vers ceux qui en sont encore parfois exclus de par leurs choix de vie. Venus d'un pays ayant connu la dictature, connaissant encore la grande misère, vous apportez une simplicité dont bien des grands de ce monde devraient s'inspirer.

Catholique pratiquant, je sais que si l'Église est une, la façon de vivre sa foi est multiple. Je sais aussi que même si on croit être dans la vérité, les vérités des autres religions ou philosophies ne sont pas forcément à rejeter, surtout quand elles viennent du cœur. Dans ces temps où se multiplient les conflits et les guerres, où des millions de personnes sont jetées sur les routes et les mers, où la colère et la peur permettent d'être élu, parler d'amour et de tolérance n'est ni un luxe ni une insulte. Peut-être est-ce pour cela que nous en entendons si peu parler dans nos médias.

Que Dieu vous garde en son Amour très Saint Père.

Veuillez agréer, votre Sainteté, l'expression de mes sentiments les plus respectueux.

Didier Houth

Pape francois 001

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