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Début d'une vie d'adulte

C'était aux vacances de Pâques 1979, j'avais 16 ans. Avec un copain, nous venions chercher du travail pour l'été comme beaucoup de lycéens. Nous avions pris les adresses des banques dans l'annuaire, nos meilleures chaussures, un billet de train pour Paris et avions quitté notre banlieue pour les grands boulevards. Il faisait beau, il faisait chaud. A la sortie du métro Richelieu-Drouot, il dressait sa majestueuse silhouette à la pointe du boulevard Haussmann et de celui des Italiens. Je ne savais pas encore qu'il allait être toute une partie de ma vie, presque toute ma vie, une belle partie de ma vie. Je ne savais pas encore que ce serait à son entresol que j'allais donner mon premier rendez-vous à celle qui deviendra mon épouse 10 ans plus tard. A une de ses portes monumentales, pour l'enfant que j'étais encore, un homme en costume bleu montait la garde. Il nous indiqua gentiment une autre adresse quelques rues plus loin, à une station de métro de là, la direction du recrutement, rue Sainte-Cécile. 

Jeunes, économes de nos sous pour les mettre dans les flippers plutôt que d'acheter un nouveau ticket de métro, nous y sommes allés en marchant. Avant d'arriver rue Sainte-Cécile, je tombais en admiration devant l'un des plus beaux bâtiments de Paris. A son fronton, était assise, majestueuse, la Sophia. Ancien siège social du Comptoir National d'Escompte de Paris, cette agence Bergère construite au XIXe siècle a sa décoration tout entière consacrée à la philosophie hermétique. Je ne savais pas encore non plus qu'ici, je la rencontrerai, quelques mois avant ce premier rendez-vous. Derrière, la rue Sainte-Cécile était un autre bâtiment qui aujourd'hui n'est plus. Seule sa façade a survécu et passant la porte cochère, j'ignorais que 27 ans plus tard, je la franchirai une dernière fois dans l'autre sens, après avoir fini de travailler dans cette banque, là où tout avait commencé. Puis nous sommes montés dans les étages. Au quel, je ne sais plus. Nous fûmes accueillis dans une sorte de salon où on nous demanda l'objet de notre visite. Pour du travail pendant les vacances, nous dîmes. Puis elle vint. Elle était grande, d'âge mûr, les cheveux bouclés, le visage rond avec de petites lunettes. On aurait dit une maman. Quel était son nom ? Je ne m'en rappelle plus; je n'ai jamais eu la mémoire des noms, préférant les visages et les actions. C'était trop tard, venait-elle nous dire. Puis j'eus cette phrase, presque malgré moi : et pour une place en pied ? Elle demanda ma date de naissance, se trompa heureusement en calculant mon âge -j'étais trop jeune pour le poste- et revint avec une convocation pour un recrutement 15 jours plus tard. 

Quinze jours plus tard, il faisait beau, chaud, c'était le matin. Nous étions une bonne dizaine, peut-être plus. Il fallait remplir des grilles, répondre à des questions bizarres. Je l'avais déjà fait plusieurs fois à l'école, à croire qu'être de banlieue nous rendait déjà sujet d'étude psychologique, des fois que l'on soit plus anormal que dans les grandes villes. Un exercice ne me plaisait pas, je ne le fis pas. A la fin, on m'annonça que j'avais rendez-vous l'après-midi même pour un entretien. Comme j'avais dépensé tout mon argent que m'avait donné ma mère le matin dans le flipper, je me contentai d'une demi-baguette comme tout repas du midi. A l'entretien, on me demanda pourquoi je n'avais pas fait l'exercice. Ma réponse surpris sans doute, mais elle n'en changea pas mon avenir, j'allais y travailler. Après un appel à mes parents pour s'assurer qu'ils étaient d'accord pour que je travaille, et en plus que je travaille en costume, je commençai le 2 mai 1979, parce que le 1er mai est férié. Entre temps, la Société Générale m'avait également marqué son accord d'embauche. Je choisissais la BNP parce que j'avais visité les locaux au nom évocateur de Maison dorée, qu'ils étaient beaux, qu'il y avait de la lumière et que les gens me parurent sympathiques. Ainsi, je commençai à travailler à la BNP le 2 mai 1979, quatre ans jour pour jour avant celle qui allait devenir ma collègue et épouse.

Agence bergere 002

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