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La pente des jours-souvenirs

Les jours se comptent et se décomptent. Tic tac fait la pendule de la cuisine qui égraine les secondes de minutes en minutes jusqu’aux heures d’ennui et de lassitude. Jours sombres succèdent aux jours clairs, de nuits étoilées en nuits nuageuses. Je vais et je viens de pièce en pièce accumulant les images de mes souvenirs futurs. Le vent va de porte de cuisine en porte-fenêtre emportant au passage quelques papiers éparpillés sur la toile cirée d’une grande table dépotoir devant la cheminée. Dans un coin, Une bergère de velours bleu-gris au bois peint porte un empilement de papiers, de lettres, de dossiers et de magasines volontairement oubliés là. La cheminée de marbre beige accueille encore un tas de cendres froides depuis longtemps et quelques toiles d’araignée. A l’autre bout, devant l’autre grande table en merisier recouverte d’une  toile cirée parsemée d’enveloppes ouvertes ou pas, le grand buffet en merisier clair de Papy et Mamy occupe tout le mur. Une porte absente dévoile assiettes et verres. Près des fenêtres de la rue, un autre fauteuil, Voltaire, est occupé par une corbeille de linge, un sac-à-dos gris et un rouleau de papier-cadeau étoilé transparent. A sa gauche, entre les deux fenêtres, une grande horloge comtoise près d’un petit meuble toujours surmonté d’une crèche de Noël en toute saison. A sa droite, par l’angle du mur, un grand et haut buffet Henri II bien décoré suivit d’un piano crème surmonté d’une horloge de marbre noir où s’assoit Corneille Le Cid à la main. Anachronisme, au milieu de la pièce, adossé à un pilier, un frigo fait face à une photo de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris  en noir et blanc prise de sous un pont de pierre où deux jeunes saxophonistes jouent.

 

Dans l’entrée sombre, deux canapés de cuir usé bleu entourent une table basse face à la télévision. Au plafond est accroché une grande tapisserie où nobles et nobles dames tondent des moutons sous des branches près d’un étang. Au dessus de d’un des canapés, dans une niche du mur blanc, trois longs étages de DVD aux goûts des uns et des autres habitants. A sa droite, la porte de la petite cave voutée en terre battue qui est remplie de livres, de revues et de disques d’une autre époque. A droite de la porte d’entrée est un meuble-à-chaussures et une fenêtre aux rideaux et double-rideaux fermés. A gauche, se tient au mur un vestiaire en chêne où sur des patères en cuivre jaune pendent chapeaux et manteaux. Au-dessus est posé un tableau de la Cène. Entre les deux, au-dessus du radiateur dans un coffre grillagé sont une poupée de porcelaine et un tableau en émaux verts de l’Annonciation. De l’autre côté du vestiaire s’élève une haute armoire bourguignonne en chêne sombre. Après, un petit couloir court et étroit mène par une porte-vitrée au jardin. Derrière son mur fin, le froid de la rampe en fer de l’escalier en pierre marque ma main quand le bruit de mes pas sonne à mes oreilles. La fenêtre trop haute éclaire mes cheveux du soleil de toutes les saisons. En dessous d’elle sont posés un crucifix doré à côté de tableaux d’enfant d’un ange rêveur et un autre d’une mouette à Venise. Tout en haut, une grande armoire en merisier sombre, abris de linge de chambre, vous attend.

 

Au premier étage, un mur de couloir blanc longe deux niches. Dans l’une d’elles deux pots-à-lait décorés trônent. Sur le mur, se lisent les traces de tableaux de Dali partis. A son bout à gauche  une première chambre, sur sa porte des cœurs disent qu’ici y dorment des enfants seuls ou à plusieurs selon les jours. En tournant à droite, après une porte, au blanc succède le bois d’un autre. Bois d’armoires et de penderies où s’entassent vêtements et dossiers, souvenirs d’un temps passé parfois dépassé. Sous l’escalier, un meuble-à-partitions n’accueille plus que du vide. A ses côtés, un meuble-parisien cache encore un fouillis de papiers et d’enveloppes vierges. Sur lui, une jolie lampe tout en porcelaine jusqu’à l’abat-jour, fait vivre une scène de vendanges de deux jeunes amoureux en pied. Le sol vert attend toujours un nouveau revêtement qui ne viendra jamais. Au bout de ce couloir, une porte sur une salle-de-bain tout en chaud lambris où il est si agréable de monter les marches pour se baigner inondé de la lumière de trois grandes fenêtres. Après dans une autre pièce, repère de solitude numérique sont deux ordinateurs, fixe et portable. Des caisses de livres, de revues et de papiers s’entassent par terre ainsi que sur le bureau des dossiers en des chemises-à-élastiques. Une grande armoire d’hôtel aux portes lourdes renvoie de ses miroirs la lumière d’une des deux fenêtres. Une grande bibliothèque couvre un pan et un angle de mur. On y trouve beaux livres, livres techniques, d’économie, de Droit, de gestion, de management, d’informatique, de spiritualité, de romans de science-fiction, du grand Victor Hugo et de Guy de Maupassant, à côté d’autres plus légers, au dessus de ceux d’histoire. Dans celle du pan, ce sont sciences de l’esprit ou art de la photographie cohabitant avec la préhistoire savante et les livres de beaux meubles, de ferronnerie à côté de ceux de bricolage. En leur bas se cachent des albums et boîtes de photographies ou de cartes-postales oubliées.  En ressortant, derrière une belle porte en chêne sombre,  un petit placard abrite des cravates, des appareils-photos de différentes époques, leurs objectifs, accessoires et flashs.

 

Dans la chambre le lit écroulé fait face aux deux fenêtres où les cimes des arbres du jardin s’agitent du vent. Une commode ventrue décorée d’un beau placage de merisier à fleurs colorées et verni avec deux gros tiroirs sous un plateau de marbre jaune accueille un nouveau fouillis de sacs, de livres abandonnés entre deux lampes de table inutiles sous un crucifix orné du profil d’une vierge, héritage des Justes. Devant elle, une enfant juive dut dire, chaque soir, des prières chrétiennes durant les heures sombres de notre histoire. De chaque côté du lit effondré sous un autre crucifix plus traditionnel, une table de chevet de même facture que la commode accompagnent mes nuits. Sur chacune est un réveil, l’un à l’heure d’hiver, l’autre à l’heure d’été. Sur celle de sa gauche, se trouve aussi la seule lampe utile de cette pièce. Le mur gauche est remplacé par des armoires aux portes d’un blanc gris, abris, avec le premier tiroir de la commode,  des vêtements de celle qui fut mienne. Entre les deux fenêtres, une table de toilette surmontée d’un miroir accueille un désordre de souvenirs. A la droite du lit, une table basse accueille ma survie nocturne, garantie qu’à la fin de chaque nuit je verrai le matin. L’autre bergère de velours bleu accueille une autre corbeille de linge qui ne se vide que rarement où un livre protège du chat. A côté, un fauteuil cabriolet en velours rouge reçoit une trousse de toilette bleue-électrique, souvenir d’un juillet  d’enfermement. Un grand tableau, de bleu, de blanc et de noir fait d’une moitié de visage de femme associé d’un vase de fleurs, attend par terre contre le mur droit que quelqu’un vienne le chercher ou veuille bien l’accrocher. Derrière lui, toujours tombée, une canne en bois dur montre un serpent s’y enlaçant jusqu’au pommeau.  Les murs de toile beige-sombre déjà salie s’empoussièrent de jour en jour.

 

C’est dans le couloir, qu’il faut monter l’escalier en bois craquant jusqu’à la vaste pièce où les enfants se réfugient. A sa droite, une porte donnant sur une chambre et un cagibi. A sa gauche, une autre chambre pas finie et salle-de-douche tout en carrelage mauve et beige. Cette vaste pièce centrale, sous la haute toiture blanche, accueille tout ce qu’un enfant et un adolescent peuvent rêver ou presque. C'est sous ces toits, loin des bruits du bas, que leur enfance a grandi, leur donnant le goût du chez-soi avant l’heure.

 

De tout çà, il n’en restera plus que des souvenirs, dans quelques semaines, dans quelques mois.

Meuble parisien lampes 2

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