Son livre

Dans l'escalier, mes pieds nus ressentent le froid de la pierre. Marche à marche, je monte, ma main suivant la rampe de fer noir. Au bout du couloir longé de placards en bois sombre, sa chambre, avec sa table de nuit et son livre dessus, là où elle le laissait toujours. Je le prends en main et le caresse du bout des doigts, comme j'aimais la caresser. La couverture est bleu-émeraude, comme étaient ses yeux. Elle disait que les livres sont des arbres, des arbres à pensées où les mots sont des fruits, doux, sucrés ou amers. Je me rappelle ses longues mains pâles qui tournaient les pages d'un doigt humidifié à ses lèvres roses. Je colle le livre à mon cœur et redescends l'escalier. Je m'arrête devant la cheminée où le feu crépite en ce début d'hiver. Dedans, j'y jette le livre.

• Papa, c'était son livre.
• Maintenant, il est comme elle, des cendres. Jamais elle ne s'endormait sans en lire quelques feuilles, comme elle disait. Passe-moi l'urne. Ainsi elle pourra continuer de le lire là-haut.