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La plume brisée sur ce pronom

Il n'y a pas de phrase sans mots. Parmi tous les mots, les pronoms tiennent une place à part. Ils sont personnels ou relatifs, sujets ou compléments, substituts de personne ou d'objet. Ainsi vole la plume de l'écrivain, professionnel ou amateur, de mots en mots, de pronoms en verbes, derrière lesquels nous cachons ou découvrons nos pensées et nos sentiments, nos joies, nos peines, nos colères, nos souffrances et les plus beaux de tous, nos amours. Des pronoms les plus orgueilleux sont le je et le moi. Des plus humbles sont le toi et le nous. Il y a aussi celui qui regroupe en un singulier indéterminé tout ce monde que nous ne voulons ou ne pouvons nommer désigné par ce on si particulier au français. Puis il y a ce pronom brisant la plume, survenant du passé, déchirant l'harmonie du présent et détruisant tous futurs, pronom que je ne nommerai qu'à la fin, qui est la place qui Lui est dû comme au point final.

 

Des qui, des que, des quoi relient des morceaux de phrases comme des morceaux de vie qui sans eux n'auraient de sens ou resteraient déchirés par l'absurde d'une virgule mal placée. On les dit relatifs voulant rappeler sans doute que dans la vie seuls sont absolus la naissance et la mort. Entre ces deux termes, tout n'est que relatif. Mais relatif ne dit pas sans importance. Une importance relative peut faiblement ou fortement impacter sur le déroulement d'un texte ou d'une vie. De toutes ces rencontres qui lient les brins courts ou longs de nos pensées et de notre vie en une corde fine ou grosse qui, ici se râpe, là se déchire en partie, avant de se couper là-bas en amitiés devenues inimitiés, ou en amour devenu indifférence, quand ils ne basculent pas dans la haine.

 

Il y a aussi ces pronoms dits personnels comme s'ils appartenaient à quelqu'un ou à quelqu'une. Ces pronoms personnels que l'on prête ou l'on emprunte à l'autre, à un ou une ou encore à des des. Possessions que nous nous échangeons, dons, cadeaux, avant que certains ne se les approprient en exclusivité pour nous les louer, refusant de nous les vendre. Ainsi des marchands voleurs de mots cherchent à piller la langue commune, pour s'en approprier des parcelles comme d'une terre d'un pays immense morcelé par la botte des dresseurs de barrières et de barbelés. De cette appropriation de la langue, les pronoms possessifs n'en sont-ils pas l'autorisation donnée par la grammaire ? Si elle l'autorise, alors pourquoi se gêner ?

 

De tous ces pronoms divers, je voulu n'en choisir qu'un seul, un pronom possessif. Ce pronom possessif est mon. Ce mon qui peut paraître si égoïste est au contraire un hymne au partage. Ce partage que j'ai voulu est un partage inconditionnel par lequel je donne tout, tout de moi. Tout de moi je te donne. Ce tout se résume à un mot, amour. Amour joint à mon devient mon amour. Mon Amour, je te donne à Toi mon amour qui le reçoit. Ainsi mon amour est moi et Toi est lui que je te donne, cet amour que je voulu par Toi pour Toi. Mais Toi à ce lui tu as préféré un autre Lui. Ce Lui qui n'est pas moi nous déchire et nous sépare comme la foudre s'abattant sur deux arbres siamois. Ce Lui, éclair surgi dans un ciel d'été, a brisé mon lui.

 

Alors sans mon lui qui se voulait mon amour pour Toi mon Amour, je dessèche, devenant l'arbre sec des contes celtiques, ni vivant, ni mort. Des qui, des que, des quoi, des où, des quand, il ne reste que des virgules insignifiantes sans pourquoi et ma vie livrée à l'absurde. Sans Toi mes phrases perdent leur sujet et leur complément d'objet, objet sujet de mon amour. Ainsi du seul Toi capable de donner un sens à tout, ma plume s'est brisée sur ce Lui, ce Lui que tu écris Toi dans tes lettres que tu Lui écris; ces lettres que tu ne m'as jamais écrites. De Toi, je ne garde que des vous distants quand j'espérais des toi pour parler de Toi et de moi dans un Nous indissociable. Aujourd'hui ne me reste qu'un je, pas un je dominant toute phrase de son orgueil; non, un je solitaire qui ne conjugue plus rien, ni dans mes phrases ni dans ma vie qui se prépare à se terminer en points de suspension faute de pronoms relatifs…

 

A Toi, Moi

Plume sang

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