La ferme Sainte-Philomène

C'est une belle ferme, au centre d'un village francilien, juste derrière l'église. Une de ces fermes des grands céréaliers qui survivent encore dans un monde agricole qui se meurt petit à petit. Les seuls animaux que vous y trouvez sont des chiens et des chats. Longeant de sa moitié par ses hauts murs les longs champs, dont s'enorgueillit ce village fort de sa nature comme le dit sa devise, elle fait le lien entre la ville et la nature comme ce petit village à l'immense territoire. C'est ici que quelques personnes ont décidé d'y installer l'hébergement de jeunes-gens et jeunes-filles venus d'Afrique continuer leurs études en France.

 

Une très vieille Dame au sourire encore vivant en est la propriétaire des lieux. Elle a cédé son bien familial en viager donnant une belle dimension à la fin de sa vie. Ainsi s'écoulent ses vieux jours, entourée d'une jeunesse étudiante et priant. La prière, elle la connait bien. C'est encore elle qui fleurit cette église à quelques pas de chez elle. C'est une vieille église tel qu'on peut en voir sur des cartes-postales au haut clocher pointu. De loin, tout aux alentours, son clocher surmonté d'un coq gris est le guide des voyageurs venant et passant au village. Ses enfants, habitant en province, se sentent rassurés de ne pas la savoir seule chez elle. Elle a toujours refusé de s'en aller de cette ferme où elle, ses parents et ses enfants sont nés. Qui pourrait le lui reprocher.

 

Sortis des métiers agricoles, ses enfants avaient déjà cédés les travaux des champs à un autre. L'association s'est d'ailleurs engagée à maintenir cette activité agricole. Les bâtiments sont assez vastes pour loger tout le monde et les machines agricoles. Beau symbole que cette ferme où le monde s'est donné rendez-vous, pour travailler la terre, l'esprit et l'âme. Ce village n'est pas non plus un lieu ordinaire. Dans ses champs on s'y est battu et des hommes venant de France, du monde occidental et d'Afrique y ont défendu la liberté en 1914. Cette église garde sur ses murs les traces de leur passage. Transformée en hôpital de campagne, on y soigna amis et ennemis sans distinction de nationalité, de race ou de croyance. Dans les champs, une grande tombe collective où se trouve Charles Péguy rappelle le sacrifice du courage. Un petit chemin de promenade dans ces mêmes champs rappelle lui cette Brigade Marocaine qui défendit au prix du sang de ses combattants la France, la République, la démocratie et la liberté.

 

Aujourd'hui hélas, la paix est encore repartie s'exiler ailleurs. Le monde est de nouveau perclus de guerres et d'abominations. Pas très loin d'ici à Paris, les fusils et les bombes ont encore tué et blessé récemment. Contrairement à quelques idéalistes refusant de voir notre pays tel qu'il est aujourd'hui, je sais que nous sommes bien en guerre. Encore une de ces guerres du bien contre le mal, de la liberté contre l'oppression. Que la France, symbole de la liberté de par le monde, en soit une nouvelle fois touchée n'a rien d'étonnant. Grace à Dieu, ce petit village de Chauconin-Neufmontiers en est pour l'instant épargné. Dans ses rues, vous pouvez y croiser des personnes aux origines et cultures d'ici et d'ailleurs vivant paisiblement les unes à côté des autres. Il y règne comme un air de paix qui fait tant défaut ailleurs.

 

Les journées et semaines des jeunes-gens et jeunes-filles sont rythmées par leurs études, les prières et le travail collectif. Encadrés par le duo d'une religieuse d'Afrique et d'un laïc du village, amis depuis quelques temps déjà, ils vivent une vie à laquelle leur naissance modeste ne les prédestinait pas a priori. Une chance pour quelques uns et quelques unes qui ressemble à un jardin cultivé dans le désert par des généreux pragmatiques s'interdisant tout idéalisme niais. Bien sûr tous dans le village ne partagent ces bons sentiments. Leur origine d'ailleurs et l'orientation religieuse en dérange certains à l'esprit étroit ou apeurés de perdre leur culture qu'ils croient en danger. La Mairie voyant l'aspect de solidarité internationale a mis de côté son aversion idéologique pour la chose religieuse et a apporté toute son aide à ce projet rare.

 

L'Évêché quant à lui a naturellement apporté tout son soutien. Faut dire que son évêque est très ouvert au monde et très fier d'avoir une ville et un diocèse aussi diversifié dans les origines de ses paroissiens. Meaux est d'ailleurs le lieu d'un important ensemble scolaire privé qui accueille aussi des jeunes venus faire leurs études en France. Ville épiscopale depuis des siècles avec un Carmel, mais aussi un des foyers historiques du protestantisme français, où synagogue et salle de prière musulmane se côtoient, Meaux a une vie spirituelle intense. Cette ferme Sainte-Philomène ne fait qu'ajouter à cette dimension donnant à la démarche Mission en actes une réalité concrète. Pourquoi Sainte Philomène ? Enfant martyre à 13 ans parce que désirée par un empereur romain, aimée du curé d'Ars, Sainte Philomène symbolise toutes ces enfances brisées par la vanité des hommes de pouvoir, leurs oppressions et leurs guerres. Quel beau projet.

 

Le réveil sonne. C'est l'heure de se lever. Ce n'était qu'un rêve, mais quel beau rêve. Un rêve dont le Père Placide et Sœur Marie-Josée, togolais venus étudier en France, m'ont parlé un jour…

Etudiants etudiantes noirs 001

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