Elle est une musique, une danse, une chanson

Elle est une musique, une danse, une chanson

Elle est entrée dans sa vie le Jour 1. Elle est venue du fond de la scène, de derrière le rideau pour quelques pas de danse pour repartir et revenir toujours en silence, portée par la musique de cette chanson dont un violon maestro se détachait. Le silence, elle le garda jusqu'à la fin saluant des yeux et d'un hochement du chef à peine visible. C'est une qui la présenta et qu'ainsi j'appris son prénom et son nom à trois initiales. Comme une valse à trois temps, on la nomme de trois lettres par amitié, par habitude, par convenance de m'as-tu-vu pour elle vers qui tous les regards se tournent dès qu'elle est présente délaissant tous les autres et toutes devenant si ordinaires à la clarté de son ombre. Elle est comme une pouliche racée, une pure-sang restée sauvage malgré toutes les tentatives de domestication. Elle peut se donner si elle en a décidé en princesse se faisant esclave le temps d'un droit de possession à payer du prix de l'aimer au niveau supérieur de ses envies et désirs mais jamais elle ne se vend à qui voudrait l'acheter, femme libre réinventant chaque jour la définition de ce mot sans entrave que celle du vent. De ce jour un, il en voulut plus et il la chercha jusqu'à la trouver derrière un autre écran que celui de sa télévision. Comme dans le clip de cette chanson avec Zazie et Axel Bauer, A ma place, dans lequel une vitre les sépare, chacun dans une pièce vitrée d'un laboratoire, câblés de lecteurs de leurs pensées. Va-t-il un jour briser la vitre, ou elle, comme dans le clip, pour se rapprocher, se toucher, s'embrasser, s'enlacer, s'abandonner l'un, l'une à l'autre ? Qui vivra verra. Pour l'instant, elle reste une musique, une danse, une chanson, des mots qu'il écrit pour elle, des mots qu'il lui écrit à elle dans ces moments où elle lui manque de sa présence lointaine, trop lointaine. Alors il va de musique en musique, de chanson en chanson, qu'il choisit ou laisse aux robots le droit de ce choix pour lui, se laissant porter par les notes, les accords et les harmonies comme s'il était un petit enfant dans ses bras à elle dansant et tourbillonnant sa tête posée sur son cœur, sa poitrine, son corps. Chaque matin, c'est de chanson en chanson qu'il laisse ses joies, peines et souffrances d'elle sauter de l'une à l'autre, en cabrioles telle une biche au milieu d'un champ de blé vert. De la biche, on en voit souvent l'élégance souple pour lui trouver quelques grâces. Elle, de la biche, a la puissance de la bête des forêts profondes, puissance qu'elle sait faire grâce par la grâce de son talent et de son art. Elle n'est pas gracile, elle est force, cette force qui en elle l'a déformée sans arriver à la briser alors qu'elle était encore enfant. Comment voulez-vous, aujourd'hui qu'elle est femme et mère, la faire plier ? Vous n'y arriverez pas, ni de bonne ni de mauvaise grâce, sans qu'elle en décide elle-même. Dans cette période de pandémie, c'est au bord de la mer qu'elle s'est réfugiée en petite-fille jouant avec les vagues qui vont et viennent, venant au près, repartant au loin au gré des lunaisons. C'est là qu'elle s'est enfermée volontairement, refermant sa corolle de pétales rouges-sang. C'est là que l'edelweiss s'est cachée sous la neige blanche pour en ressortir l'hiver pas encore fini montrant son cœur d'or. Connaissez-vous cette chanson Edelweiss du film La mélodie du bonheur ? Sa vie à lui l'inutile est parsemée de chansons plus que de musique. Il pourrait être un de ces clochards vagabonds des romans et des films, de ces poésies des après-guerres qui fleurissent pour dire le bonheur retrouvé avec la paix revenue alors que tout autour n'est que champs de ruines. Ce n'est pas dans l'abondance que se trouve le bonheur mais dans la jouissance de la sobriété où du peu on se réjouit de tout. Lui se réjouit du peu qu'elle lui donne d'elle. Qu'aurait-il de plus à jouir de tout son corps à elle, à profiter de toute sa vie ? Le bonheur reste une énigme à qui ne le connait pas que jamais l'imagination la plus prolifique n'arrivera à dire et décrire. On sait le bonheur perdu mais comment savoir le bonheur pas encore trouvé ? Lui, le fou chantant nouveau, va par rues et chemins, par monts et forêts, par champs et plages en quête de la joie ne croyant plus au grand bonheur, se contentant de petits bonheurs du jour, meubles de la vie qu'il laisse là d'où il part. Il part vers l'horizon s'éloignant du soleil qui se lève pour aller vers le soleil qui se couche quand d'autres, comme elle, font l'inverse marchant dans la nuit sachant qu'au bout sera l'aube d'un nouveau jour. Mais lui en a rencontré tant qui n'ont pas vu le lendemain faute d'avoir vu le soir. Leur soleil s'est couché en plein jour, parfois une fin d'après-midi, parfois un midi, parfois un matin, parfois à peine levé. Lui, le jour nouveau, il voudrait y croire aussi. Tant lui disent qu'il viendra, qu'il trouvera une autre femme à aimer comme dans la chanson de Mike Brant. En attendant, il est revenu auprès de celle venue le rechercher comme le chantait Gilbert Bécaud. Ce n'est pas un taxi qui attend en bas, c'est une ambulance, alors il est reparti avec elle. Il n'est pas avec elle mais auprès d'elle. En partira-t-il un jour ou de l'automne, restera-t-il pour l'hiver, le long hiver au bout duquel on met en terre les corps ou les brule pour qu'ils montent au ciel plus sûrement. Elle, l'appellera-t-elle pour lui dire que lui l'aime elle et pas elle ? Nicole Croisille chantait cet appel au secours à l'homme qu'elle aimait pour qu'il dise à l'homme avec lequel elle vivait qu'elle ne l'aimait plus. Que de choses nous pouvons dire par les mots d'une chanson. Sa musique peut être de joie pour cacher notre tristesse où être de peine pour souligner notre souffrance. Lui que cache-t-il à elle dans ses mots ? Elle que lui cache-t-elle dans ses silences ? Les mots peuvent être bien bruyants pour cacher le silence de ce qu'ils ont à dire. Un silence entre deux notes de musique peut dire beaucoup. Que dit-elle dans ses pas qui dansent là où d'autres marchent, boitillent ou trébuchent. Lui n'est pas danseur. Tout juste a-t-il esquissé quelques pas de contemporain un temps de sa vie d'homme naissante. Il aimait çà comme il aimait, assis sur la scène, regarder danser cette petite femme, sa professeure, dans la salle de spectacle d'où les fauteuils avaient été retirés. Elle, il ne l'a jamais regardée danser, ni sur scène ni au pied de la scène. Il ne l'a vue danser que derrière un écran comme ces hommes qui vont dans des peep-show voir des femmes nues ou dans des bars de Pigalle en voir d'autres presque nues presque les caresser de leur corps ondulant. Elle, il lui est déjà arrivé de mettre son corps comme à nu dans un de ces ballets modernes voulant montrer la sauvagerie des corps des danseurs et danseuses élevés, éduqués, dressés dans ces écuries humaines que l'on nomme Opéra, de Paris ou d'ailleurs. Ne croyez pas que ce sont les plus dociles qui se hissent au sommet et accèdent aux titres de premiers, premières ou encore d'Étoile, ce sont, au contraire, les plus sauvages. L'art de dresser les animaux les plus sauvages n'est pas l'art de les domestiquer. Vous pouvez mettre en cage un fauve mais dès celle-ci ouverte, il s'enfuit. C'est en vous habituant au fauve qu'il s'habitue à vous. Qui de l'humain ou de l'animal est la bête ? Qui de lui ou d'elle est le plus rebelle ? Une chose est, elle est silence. Ainsi ses mots se brisent sur la paroi rocheuse de la montagne de son silence quand lui en voudrait entendre l'écho. Quand il crie je t'aime, il voudrait entendre l'écho lui renvoyer je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime jusqu'à plus soif. Mais comment être à un moment repu de ses je t'aime quand il les attend depuis si longtemps. Mais lui a-t-il dit seulement une fois je t'aime ? Il lui a dit une fois je vous aime, mais je vous aime n'est pas je t'aime. Bien des chansons disent je t'aime sans prononcer ces mots. Un jour viendra où tu me diras je t'aime et je t'aimerai chantait Johnny Hallyday. Mais voilà, une chanson n'est jamais qu'une chanson et elle se termine avant que le jour et la nuit ne se rejoignent. Alors on la rejoue, la rechante. On remet et remet le disque devenu numérique. Il suffit d'un clic pour que les mots se répètent inlassablement, que les cordes de la guitare vibrent comme il voudrait faire vibrer en elle son plaisir joué et rejoué jusqu'à ce que leurs corps serrés l'un contre l'autre s'endorment épuisés d'amour. Tout en elle se gonfle, tout sur lui se dresse quand l'un aime l'autre sans que l'un et l'autre ne soient là l'un auprès de l'autre, l'un sur l'autre, l'un pénétrant l'autre, l'une possédant l'autre. L'amour, ah, l'amour dit Alain Souchon, lui qui sait que la seule chose qui tourne sur Terre sont les jupes des filles qu'elles portent ou portent des garçons-filles. Il se souvient de cette chanson, Troisième sexe, sur laquelle il dansait s'imaginant ce ni homme ni femme, cet androgyne d'extrême-Orient comme Indochine. Il et elle ont leur propre androgyna portant en lui la femme qu'il n'est pas, portant en elle l'homme qu'elle voudrait être parfois. Ah qu'ils sont beaux ces cosmos de la musique et de la chanson dans lesquels chacun, chacune peut créer son microcosme quand le macrocosme leur est si désolant. Il sait qu'elle ne l'aimera jamais, elle sait qu'elle ne l'attachera jamais à ses pas de danse, c'est pourquoi, ils se sont fait une raison, une raison de vivre, une raison d'aimer, de chanter et de danser avec comme seul lien de lui à elle et d'elle à lui la musique qui apaise les mœurs mais aussi les cœurs, les cœurs souffrants comme les cœurs brisés. 

Peut-être qu'un jour, au détour d'une musique, un chanteur et une danseuse se… Qui vivra verra… Ou pas ! 

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