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Balade alchimique de printemps

Une journée presque comme les autres où le vide se fait autour de moi au fur et à mesure d'une sonnerie d'école, du départ d'un train, d'un téléphone qui s'éteint. J'éteins le feu du moteur sur le parking près du chêne du roi où la voiture reste esseulée. Je traverse la route, me dirige vers l'autre rive longeant le bitume à la recherche du chemin blanc et rouge. La route tourne sinistre au milieu de la forêt, je la suis. Je croise le chemin blanc et rouge labouré par l'hiver interminable. Plus loin, je croise d'autres chemins interdits, avant de croiser la rivière verte qui des hauteurs descend jusqu'au fleuve en un long serpentin souterrain. Je la suis sur quelques pierres blanches, posées là avec son nom par un Poucet, jusqu'à une vieille grille en fer rouillé. Au-dessus de moi courent des électrons le long de fils de cuivre suspendus à des grappes de raisin de verre attachées à des pylônes d'acier. D'à côté la grille un sinistre mur écroulé laisse entrevoir le bois d'un autre. Je fais demi-tour jusqu'au chemin de bitume et continue jusqu'à un sinistre cimetière. Là, je prends le sinistre chemin. Juste après le sinistre cimetière, dans une sinistre clairière, poussent de jeunes arbrisseaux rappelant le massacre dont elle fut l'objet pour que la vie puisse renaître. Au bout du chemin longeant la sinistre clairière, une croix de Saint-André indique la fin quand une flèche dit d'aller à l'Orient. 

 

Je fais demi-tour et m'oriente dans la lisière où des rêves d'avenir creusent leur sillon d'entre vie et mort le long du sinistre cimetière. Au bout, un sinistre mur écroulé laisse entrevoir quelques sinistres tombes. Juste là sur un talus dominant un chemin noir, m'attend silencieux l'oiseau-guide au plumage fauve à damier noir et blanc. L'oiseau-guide pourrait s'envoler me laissant à mes rêveries esseulées. Alourdi, les ailes attachées au corps de marche, il se dirige doucement pas à pas s'orientant le long du chemin noir. Je saute le talus et règle mes pas sur ceux de l'oiseau-guide. D'enjambée en enjambée, l'espace me séparant de l'oiseau-guide se réduit. Il s'arrête, moi aussi. Je m'abaisse jusqu'à lui et tapote mes mains ne sachant quelle langue d'oiseau employer pour me faire comprendre. Il s'allège de quelques fèces, picore quelques glands, descend du talus, traverse le chemin noir jusqu'à un sinistre chemin à peine marqué que sans lui je n'aurais vu. Humblement, je m'abaisse sous les fourches caudines effeuillées d'arbres adolescents poursuivant l'insaisissable oiseau-guide. 

 

Il pourrait courir, pourtant doucement, chemin faisant, le vénéré oiseau-guide continue de me guider dans ces sous-bois où craquent les bois morts et bruissent les feuilles mortes. Arrivé à une presque clairière, il s'envole vers le ciel à tire-d'aile comme si sa mission est finie. Je m'approche et admire les branches de houx rampant d'un vert luisant sortant du sol poussant le tapis de feuilles de chêne mortes. Autour, des fleurettes blanches au coeur d'or montrent que le printemps de la terre s'élève. A quelques pas, un trône de verdure vive, vieille souche d'un chêne abattu recouverte d'une mousse dense et dressée, se présente à moi. Je m'y assoie. Mon regard se perd dans la profusion des branches effeuillées m'entourant, cage de nature. Au pied des quelques arbres qui m'entourent, la mousse verdure dessine sur leur tronc le cheminement du soleil. Je lève mon regard, le retourne, l'astre solaire au travers de la grisaille m'indique le midi astral. Je me retourne vers l'étoile polaire invisible en cette heure, le ciel décide de me bénir, je dois continuer mon chemin. 

 

Je me lève du trône de verdure et retourne au chemin noir. L'oiseau-guide n'est plus là contrairement au sinistre cimetière. Suivant l'instruction du doigt d'Éros, je m'oriente vers un autre chemin que seul l'oeil initié à lire les silences peut discerner d'entre les arbres adolescents. La poule de fonte du sinistre village chante deux fois. Par terre, d'autres fleurettes blanches au coeur d'or sont suivies de leurs soeurs mauves ou violettes, fleurettes initiatiques du printemps aux pétales pentagrammes, hexagrammes, heptagramme. Au bout du chemin, je saute un fossé pour trouver un beau chemin de sable doré. Entretemps, j'avais retraversé la rivière verte. Les côtés du chemin de sable doré sont jonchés de fleurettes aux multiples pétales d'or que je ramasse en allant vers une sinistre clairière. La barrière est tirée. Le cadenas au corps solaire avec son anse lunaire est ouvert, sa clé dans la serrure. Comme un champ de bataille, elle est trouée d'abris à des flaques d'eau sale. Des pierres carrées, brisées comme si elles étaient tombées du ciel, complètent son triste relief désertique. Dans un sinistre coin, un tas de restes de vie moderne accueille un miroir brisé. En lui, se reflètent le ciel et les branches effeuillées des arbres environnants comme autant de racines célestes. Au bout de la clairière, le chemin de bitume bruyant des moteurs nourris à l'huile de pierre m'attend. 

Dhuis 001

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