Ahmed, enfant de la paix

Ahmed, syrien, français et enfant de la paix

Assis dans une galerie marchande prés d'un magasin à la belle enseigne de Sweet home, je venais de finir mes courses, avais réparti leur poids en deux sacs et m'apprêtais à repartir quand un couple avec une poussette et un gros carton vint s'installer sur la banquette d'à côté. Je les observais cherchant comment ouvrir ce carton pris dans de solides lanières. Je leur tendis alors mon couteau au manche en bois et à la pointe cassée que j'ai toujours avec moi. L'homme ouvrit le carton pendant que je récupérais les lanières pour les mettre à la poubelle juste à côté. Ils venaient d'acheter une nouvelle poussette pour remplacer celle qu'ils avaient et que l'on devait leur avoir donnée vu l'air usé qu'elle avait.

 

Devant les hésitations de l'homme, je décidais de l'aider à monter sa poussette. Ils avaient un peu moins de la trentaine et n'avaient visiblement pas l'habitude de ces choses-là. Plusieurs fois Père et bientôt Grand-père, il me reste quelques souvenirs de ces temps où on affronte quotidiennement les subtilités de ces engins imaginés par des ingénieurs diplômés. Après une dizaine de minutes, la poussette toute neuve était prête à recevoir son passager. C'est alors que la femme sortit de dessous une couverture en laine un tout petit bébé coiffé d'un petit bonnet blanc qui lui couvrait les yeux. Je lui demandai son âge et son nom. Elle me répondit avec son fort accent d'une personne non francophone qu'il a 1 mois et s'appelle Ahmed.

 

Avant de le changer de poussette, elle le change pendant qu'avec son père nous réglons la ceinture de la poussette. Pendant qu'elle installe Ahmed, je lui demande en anglais d'où ils viennent. Elle me répond qu'ils viennent de Syrie, qu'ils sont arrivés il y a 5 ans. Je lui réponds, It' very difficult. Elle secoue la tête et j'ajoute Mektoub. Elle me demande si je parle arabe. En guise de réponse, je lui montre mon chapelet en bois que j'ai toujours autour du cou. Elle secoue de nouveau la tête puis se met à l'écart pour donner le sein à Ahmed. Pendant ce temps le père d'Ahmed m'offre un pain-au-chocolat. Je repense alors à cet autre pain-au-chocolat qui fut l'objet d'affrontements verbaux et médiatiques, sur fond d'islamophobie rampante, initiés il y a quelques années, par le Maire de la ville d'à côté cette galerie marchande où nous nous trouvons. Ce goûter partagé fini, je reprends mes sacs de courses, remets mon sac-à-dos et m'en retourne chez moi.

 

Cet après-midi, à des milliers de kilomètres du Moyen-Orient et à un millier de Bruxelles, la guerre m'a rattrapé. Pas par les bombes, pas par les fusillades, non, par un simple geste de solidarité effectué sans calcul, par instinct, l'instinct d'aider celui qui a besoin d'aide. Cet après-midi dans cette galerie marchande, il n'y avait pas de syrien, pas de français, pas de musulman, pas de chrétien. Il y avait juste un presque grand-père aidant un jeune couple avec son premier enfant. Ce soir en arrivant de bonne heure à l'église de mon village, au terrible nom de St-Barthélémy, en ouvrant les portes avant que le prête arrive, pour accueillir ceux qui viennent à la messe en cette semaine Sainte, je penserai à ce jeune couple de réfugiés syriens et à Ahmed, syrien par ses parents, français par sa naissance et enfant de la paix par cette rencontre.

Meaux, jeudi 24 mars 2016

Drapeau syrien francais 001

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