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Télescopage de photos

Hier sur ma twitte-line, comme d'habitude les photos s'amoncelaient les unes après les autres. L'une d'entre elles faisait l'actualité des médias du monde occidental, celle du corps d'un enfant de 3 ans allongé sur une plage. Cet enfant s'appelait Aylan Kurdi et venait de Kobané en Syrie. La plage est l'une de celles de Turquie. Vêtu d'un tee-shirt rouge et d'un short bleu, ce corps pourrait être celui de n'importe quel de ces enfants qui par milliers traversent la Méditerranée seuls ou avec leurs parents pour fuir la guerre et la misère. Ce matin, les photos de cet enfant mort sont reprises dans la presse quotidienne de l'Europe sauf en France. Je suis fière de ce choix que d'autres regrettent. Que la France résiste au voyeurisme macabre et populiste me plait.

 

Dans la soirée, j'ai eu une conversation sur Twitter avec une de mes contacts sur le voyeurisme comme ressort du succès populaire d'émissions de télévision de téléréalité ou de témoignages. C'est bien le voyeurisme, comme l'un des bas instincts, qui est utilisé par les médias pour attirer des lecteurs et peut-être leur tirer quelques bon sentiments et larmes. Faut-il de telles photos pour faire prendre conscience à la population du drame qui se déroule à nos portes et sur nos rives ? Ces photos vont-elles arrêter nos vies quotidiennes ? Ne va-t-on pas vite les oublier après en avoir parlé avec nos compagnons de voyage dans les trains ou collègues de travail autour de la machine-à-café. Ne seront-elles que des photos parmi d'autres que l'on va montrer aux hasbeen mal connectés qui ne les auront pas encore vues ? Puis la vie reprenant son rythme quotidien, nous retournerons à nos petits égoïsmes et habitudes. Quelques mal-appris arriveront à en faire une blague déplacée comme à leur habitude, précisant c'est de l'humour et leur public habituel en rira comme toujours.

 

A l'autre bout de l'éventail émotionnel est une autre photo sur ma twitte-line, celle d'un groupe faisant un selfie riant comme des enfants inconscients de l'horreur du monde. Ce groupe se veut humanitaire. Il est composé de français, des journalistes, des sportifs de haut niveau et des personnalités du spectacle. Ils viennent en marge des Jeux Africains pour l'Africa Green Chalenge, pour planter des arbres. Ils vont dans un pays, le Congo Brazzaville, où le Président est loin d'être un modèle de démocrate. Le Congo est un pays où la démocratie est une démocratie d'apparence. Pour garder cette apparence durant les Jeux Africains, comme ailleurs les opposants sont bridés, violentés et emprisonnés. C'est un de ces pays qui pourraient faire partie des Émergents, grâce au pétrole. Malheureusement comme dans d'autres, cette manne pétrolière sert surtout à enrichir une castre pendant que le reste de la population souffre.

 

Entre la photo du tourisme humanitaire d'une bande de people dans un pays et sur un continent qui souffrent et celles de cet enfant mort sur une plage, mon cœur souffre de colère. Je me sais impuissant à empêcher l'un et l'autre. Je sais que je ne suis qu'un twittos assis devant son ordinateur comme me l'a dit un autre twittos ce même jour mettant en avant un BHL relançant sa campagne de communication personnelle. Je suis aussi en colère contre moi ne trouvant d'autre photo que l'une de celles que je dénonce pour ce billet de "Coup de gueule". Je suis en colère sachant qu'il y a un grand écart entre l'urgence humanitaire et nos possibilités économiques à accueillir ces migrants dans un pays développé mais proche de la récession, avec un chômage de plus de 10% et perclus de zones de misère comme la France. Je suis en colère de penser que ces guerres qui les poussent vers nos frontières, nous en sommes en partie responsables et incapables de les arrêter. Je suis en colère contre moi sachant que, comme d'autres, une fois l'indignation passée, je retournerai vers mon quotidien fait de problèmes qui, aussi importants soient-ils pour moi, sont petits face à l'étendue de ces drames.

 

Je suis en colère contre moi, contre d'autres que j'aime ou déteste, mais cela change-t-il quelque chose ? Le monde sera-t-il plus beau une fois ma colère passée, les touristes humanitaires revenus, les photos de cet enfant mort sur une plage, les yeux détournés d'un ciel trop lointain comme le désespoir d'une vie arrêtée si vite, trop vite, par la haine et la bêtise humaine, misent dans un dossier pour y être oubliée peu à peu ? Je suis triste de penser qu'on ne ressortira ces photos de l'enfant mort que dans quelques années, dans une de ces émissions repassant le temps passé ou en décembre, près de Noël, pour illustrer un numéro spécial sur l'année 2015 et ses évènements marquants, à côté de la maternité d'une people et du blocage de Paris par des agriculteurs qui fait l'actualité de notre presse du jour.

Enfant mort 003

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