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Les petits juges ou la rumeur

Petit juge est une expression qui exprime le mépris de ceux qui se disent être les grands et pouvoir juger ceux qui disent avoir la prétention de les juger. Cette expression, je la reprends à mon compte pour juger à mon tour tous ceux et toutes celles qui ont dans leur vanité la prétention de me juger sans vraiment me connaitre ou juger les autres dans la même méconnaissance de qui ils sont vraiment, de leurs pensées, leurs courages discrets et leurs lâchetés qu'ils portent comme un œil de Caïn. Je ne vise pas par là mes amis qui m'apportent courageusement et humblement leurs conseils et me font des reproches souvent justifiés. Non, je vise ces Monsieur et Madame Toulemonde que l'on croise au coin d'une rue, au travail et de plus en plus souvent sur le Net et les réseaux sociaux en ligne.

 

Vous les avez déjà vus et presque entendus. Ils murmurent en un petit paquet de rassemblés chuchotant à votre passage et vous regardant du coin de l'œil. Ils ne vous regardent pas ainsi pour manifester leur courage, dont ils sont le plus souvent démunis, mais pour vous lancer leur accusation déjà jugement, sans souvent vous avoir entendus. Ils n'en ont pas besoin car ils savent déjà tout de vous, du moins ils le croient. Ils savent tout de vous parce que la Rumeur, cette femme sœur de la Grande Faucheuse, le leur a dit. Inutile de chercher à nier ou à vous défendre, la Rumeur sait tout et bien mieux que tout le monde. Elle sait ce que vous cachez derrière vos rideaux, vos volets, vos murs et vos portes fermées. C'est pour cela que la Rumeur est puissante et infaillible. C'est pour cela que tous ces petits juges l'écoutent et la croient sans faillir. Que vous soyez puissants ou misérables, la Rumeur vous guette et dit tout de vous à qui veut l'entendre.

 

Alors ceux et celles qui furent ses oreilles deviennent ses témoins, ses témoins de l'accusation. De témoins, ils deviennent les accusateurs. Puis passant du parquet au siège, ils se font juges, petits juges mais juges quand même pour un jugement sans appel. Comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, ils endossent l'habit du bourreau. Justice de justiciers, justice sans avocat, la justice des petits juges est implacable. Elle envoie ses sbires, tête découverte ou cachée sous la cagoule de la lâcheté, partout où vous allez, vous traquant jusque dans vos intimités. Bête blessée ne suffit pas à ces petits juges, car ils n'aiment que la bête morte à pourrir publiquement, à la vue de tous. C'est leur gloire à eux que de montrer d'un ricanement le cadavre du condamné par la Rumeur, dépouillé de ses vêtements en train d'être dévoré par les charognards qui suivent de prés les petits juges.

 

Les personnes publiques et connues sont les cibles préférées de ces petits juges et de leur funeste cohorte ricaneuse comme des hyènes, mais elles ne sont pas les seules. Avant, ces petits juges se seront exercés sur égal socialement à eux ou sur plus petit, ne répugnant à aucune bassesse pour s'élever aux yeux et oreilles de la Rumeur, de peur d'être le jouet de sa bouche. Entre deux fauves qu'ils auront abattus en grande meute sanguinaire, rarement seul et souvent en petite et lâche meute, ils se seront repus d'un collègue, d'un voisin ou d'un commerçant qu'ils fréquentent chaque jour. Sur son trône de rouille, la Rumeur peut rire fièrement car ses serviteurs ont été, sont et seront nombreux. Ainsi en va la vie et ce qu'on appelle, non sans ironie, l'Humanité.

 

Je fais partie de cette Humanité-là aussi et ai parfois ricané avec les hiènes. Je n'en suis pas bien fier et le regrette souvent et en pleure parfois en me regardant le soir ou les nuits blanches dans le miroir de mon âme. Et vous ?

La rumeur

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